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Faire carrière dans l’humanitaire!

Bien le bonjour à tous !

Bientôt un an que j’ai promis ici de donner, les informations relatives à une carrière dans l’humanitaire. L’idée m’est venue du constat que mes compatriotes togolais ne sont pas aussi représentés dans les organisations humanitaires à l’international comme le sont nos voisins de l’Afrique de l’Ouest. J’ai pensé que c’est peut-être parce que les uns et les autres n’ont pas assez d’informations sur le secteur. Je vais finalement tenir ma promesse dans le présent article.

Avant tout, je tiens à préciser que, même si cela fait quelques années que je m’y intéresse, je ne me définis pas comme un spécialiste de l’humanitaire d’autant plus que je n’y fais -véritablement- qu’un peu plus d’un an. Alors tout ce dont je parlerai dans cet article est tiré de mon expérience personnelle, mes lectures, recherches et analyses qui pourraient ne pas refléter la réalité.


Généralités

L’humanitaire encore appelé solidarité internationale est l’ensemble des actions mises en œuvre par des organisations qui visent le bien-être et le bonheur de l’humanité. L’histoire de l’humanitaire a commencé au dix-neuvième siècle avec la création du Comité International de la Croix Rouge par Henry Dunant. Il s’est développé au lendemain de la deuxième guerre mondiale et a pris de l’ampleur avec la guerre de Biafra au Nigéria à la fin des années 1960.

Grâce à l’humanitaire, les actions de secours et d’assistance sont menées dans les zones du monde touchées par les guerres, les conflits armés, les catastrophes naturelles (inondations, tremblements de terre, tsunamis), la famine…

Les interventions de l’humanitaire sont généralement de deux ordres : les réponses aux urgences et les actions de développement. La différence est que les urgences humanitaires permettent de sauver des vies et d’assister les populations victimes d’une crise (le cas patent de la guerre en Ukraine actuellement) avec des réponses rapides et généralement limitées dans le temps. Alors que, les actions de développement qui permettent de mener des actions durables pour améliorer les conditions de vie des personnes vulnérables, peuvent s’inscrire dans la durée car elles agissent de manière continue sur un problème identifié.


Acteurs

Les acteurs de l’humanitaire peuvent être classés en quatre groupes :

Etats : ce sont les premiers acteurs car il faut l’accord d’un Etat pour qu’une action humanitaire soit déployée sur son territoire. Ainsi toute intervention humanitaire nécessite de se faire avec l’accord et en concertation avec les gouvernements des pays concernés qui doivent avoir un droit de regard, via leurs services spécialisés, sur ces interventions pour s’assurer que les lois et les mandats reçus sont respectés.

Bailleurs : encore appelés donateurs, ce sont ceux qui financent les actions humanitaires grâce à la mobilisation et à la mise à disposition des ressources. Ils peuvent être privés (personnes physiques ou fondations –Bill et Melinda Gates-), étatiques (fonds publics, USAID, AFD…), interétatiques (Union Européenne…), institutionnelles (Nations Unies, Banque Mondiale) …

Organisations humanitaires : elles sont au cœur de l’action humanitaire et sont présentes sur le terrain grâce à leur personnel chargé de la mise en œuvre effective des réponses et projets. Elles sont de différentes nationalités avec des missions et thématiques diversifiées. A caractère social, ces organisations sont apolitiques, indépendantes, non lucratives et souvent internationales car intervenant dans plusieurs pays. Il en existe plusieurs, entre autres : Croix-Rouge, Médecin Sans Frontière (MSF), Action contre la Faim (ACF), Save the Children Intenational, World Vision International, Oxfam, Care International, Solidarités International, Programme Urgence International (PUI), International Rescue Committee (IRC), Catholic Relief Service (CRS), Cooperazione Internazionale (COOPI), Norvegian Refugee Council (NRC), Handicap International (HI), Danish Refugee Council (DRC), Médecins du Monde, War Child, Plan International, SOS Villages d’Enfants, Mercy Corps, Welthungerhilfe, Dan Church Aid (DCA), Concern Worldwide…  Les Nations Unies et ses agences spécialisées sont également de grands acteurs qui interviennent dans l’action humanitaire à travers le monde. Elles disposent d’ailleurs d’une agence, OCHA, qui coordonne les interventions humanitaires des différents acteurs dans les pays d’intervention.

Communautés : ce sont les véritables bénéficiaires de l’aide humanitaire qui sont impliquées de bout en bout et à chaque étape des interventions. Leurs implications et avis sont obligatoires et nécessaires pour la réussite des interventions.

Compte tenu des situations qui prévalent actuellement dans certains pays, que ce soit du fait de l’homme ou de la nature, l’action humanitaire est fortement présente (à des degrés divers bien sûr) dans les pays suivants : Ukraine, Yémen, Haïti, RCA, RDC, Mali, Burkina-Faso, Somalie, Soudan du Sud…


Fonctions

Les fonctions de l’humanitaires sont généralement calquées sur les missions et activités de l’organisation, les types d’interventions… Il faut distinguer les « core positions » ou les fonctions clés des fonctions support.

En ce qui concerne les fonctions clés, je peux citer, sans être exhaustif, les spécialistes et/ou professionnels de : gestion de programme ou de projet, abri et logement, gestion des réfugiés/déplacés, nutrition, sécurité alimentaire-moyens d’existence, éducation, santé, eau-hygiène-assainissement, protection, protection de l’enfant, violence basée sur le genre, santé sexuelle et reproductive, santé mentale, genre et diversité, droits humains, suivi-évaluation, sécurité-sureté-accès humanitaire…

Les fonctions support, encore appelées les opérations sont : les ressources humaines, les finances, la logistique, la conformité, les systèmes d’information…

D’autres fonctions peuvent être transversales à toutes les organisations humanitaires : mobilisation de ressources, partenariat, communication, plaidoyer…

Chaque fonction nécessite des compétences techniques et personnelles spécifiques.


Formations 

En fonction du métier choisi, il y a diverses formations initiales en relation avec l’humanitaire qui sont proposées par des universités européennes et africaines : action humanitaire, développement et coopération humanitaire, droit international humanitaire… L’Institut 2IE du Burkina-Faso, dont les diplômes sont internationalement reconnus, offre un parcours diplômant (master) en gestion de l’action humanitaire entièrement accessible en ligne.

Le centre de formation Bioforce jouit aussi d’une bonne réputation en matière de formations aux métiers de l’humanitaires ; il offre des formations diplômantes et certifiantes dans plusieurs domaines. Bioforce a un centre à Dakar et à Lyon.

Kalu Institute forme également grâce à un master en humanitaire entièrement en ligne.

Au-delà de ces formations initiales, il y a plusieurs sites, offrant des formations gratuites sur une multitude de thématiques humanitaires, qui permettent de renforcer les compétences des professionnels du domaine. Ce sont généralement des MOOC qu’on peut suivre à son propre rythme, avec une évaluation à la fin donnant droit à un certificat. Ces formations sont disponibles sur les sites suivants :

Disaster Ready

IFRC Learning

Kaya

Agora Unicef

Harvard Humanitarian Initiative


Sites d’emploi

Il y a plusieurs sites qui publient les offres d’emploi des organisations humanitaires. Il suffit de filtrer ces offres avec des critères relatifs à la fonction, à l’organisation, au pays…pour trouver celles qui vous conviennent.

Aussi, pourriez-vous paramétrer des alertes qui sont envoyées dans votre mail selon une certaine périodicité avec les emplois qui sont en rapport avec votre profil ou qui vous intéressent.

Vous trouverez ci-dessous quelques-uns des sites les plus importants pour les offres d’emploi dans l’humanitaire.

Reliefweb

Coordination Sud

Openigo

Ngojobsinafrica

UNjobnet

UNjobs

Kaleta

Vous pouvez vous rendre également dans la partie « Careers » ou « Jobs » des sites des ONG internationales pour vos recherches d’emploi. D’ailleurs, mon frère et ami, Messan, a fait un excellent travail en répertoriant les sites d’emplois de la plupart des ONG internationales dans un fichier. Vous pouvez y accéder en suivant ce lien.


Principes et valeurs

L’action humanitaire est régie par des principes humanitaires universellement connus, reconnus et promus par toutes les organisations qui doivent en tenir compte dans toutes leurs interventions. Ces principes sont : l’humanité, l’impartialité, la neutralité, l’indépendance. On y ajoute également la redevabilité et le principe du « do not harm » ou « ne pas nuire ».

Comme je le disais dans cet article, les organisations font la part belle à des règles de conduite qui guident leurs interventions et auxquelles tous les acteurs, qui interagissent avec elles dans le cadre de leur action humanitaire, doivent adhérer. Ces règles sont souvent consignées dans le ‘Code de Conduite’ qui est la ‘bible’ de ces organisations. Ces règles couvrent généralement les standards de conduite professionnelle et personnelle, d’éthique, de protection, de sauvegarde… Elles sont communiquées, au recrutement, à chaque employé, qui s’engage à les respecter. Elles sont affichées dans les bureaux et des formations et sensibilisations périodiques sont faites à leurs propos.…

A ces règles, s’ajoutent des valeurs qui diffèrent d’une organisation à une autre et qui doivent également être incarnées par les personnes qui y travaillent pour favoriser l’atteinte des objectifs. Par exemple, il y a des organisations chrétiennes qui basent leurs actions sur des valeurs chrétiennes.

Il faut noter que toutes les organisations ont des processus de recrutement mettant en avant l’adhésion à ces règles et valeurs. Ainsi, des actions sont entreprises pendant et après le recrutement pour s’assurer que les personnes recrutées adhèrent à ces valeurs et peuvent les promouvoir. C’est la raison pour laquelle la vérification des références et éventuellement les enquêtes de moralité sont très rigoureuses dans l’humanitaire. Il y a un mécanisme qui permet aux organisations humanitaires de communiquer entre elles les ‘écarts’ ou ‘entorses’ de leurs employés aux règles relatives à la sauvegarde ou à l’éthique. Ce qui empêche des employés, auteurs de ces écarts, de quitter une organisation pour une autre. Il faut préciser que la tolérance zéro est de mise pour les cas de non-respect des règles et valeurs de l’organisation; c’est-à-dire que si les cas sont avérés à la suite d’investigations, l’employé est purement et simplement licencié. Une sorte de casier judiciaire qui le suivra dans toutes les organisations humanitaires.

Si vous êtes de ceux qui pensent que la place de la femme est à la cuisine, vous aurez du mal à travailler dans une organisation qui fait la promotion de l’équité genre et qui la met au centre de ses politiques, RH y compris. De même, si vous avez déjà été auteur d’abus ou de violence sur un enfant, vous ne serez jamais recruté dans une organisation qui travaille pour la promotion de leurs droits.  


Être expatrié dans l’humanitaire

Les organisations humanitaires ont généralement deux types de personnel : le personnel national composé de nationaux du pays d’intervention et le personnel international ou expatrié composé d’employés de nationalités autres que celle du pays d’intervention. Dans ces organisations, certains postes sont exclusivement réservés aux expatriés et les offres d’emploi font souvent mention du caractère international du poste. Ces postes internationaux sont très souvent des postes de management ou d’expertise pointue nécessitant un certain niveau de formation et d’expérience. Il est donc rare de recruter des expatriés pour des postes « communs ». Si cela advenait, ce serait aux conditions nationales.

Il y a des avantages liés aux postes expatriés. Vous verrez même au bas de certains avis de recrutement, les conditions liées à ces postes. Généralement, les expatriés bénéficient de salaires compétitifs négociés non pas en FCFA mais en Euros et Dollars et d’autres avantages (per diem, prime de risque, de pénibilité, assurance…). Ils sont logés (souvent en maison collective avec d’autres collègues) par l’organisation qui prend en charge leur transport aller-retour lors du recrutement et à la fin du contrat. Ils ont périodiquement (chaque 3 ou 6 mois) des jours de repos (Repos & Récupération ou Break) qu’ils vont passer dans leurs pays à la charge de l’organisation, ils ont également plusieurs opportunités de formations et de développement…

Si vous êtes intéressés par une carrière d’expatrié en humanitaire, il est conseillé d’avoir une première expérience dans une organisation de solidarité internationale ou dans un projet de développement au niveau national. J’avoue que c’est assez difficile d’accéder à un poste expatrié si on n’a pas l’expérience nécessaire mais rien n’est impossible quand on se donne les moyens.

De plus en plus d’organisations mettent en place des stratégies de nationalisation de certains de ces postes expatriés.

Il faut préciser que la connaissance de l’anglais est indispensable voire obligatoire pour la plupart des postes expatriés dans l’humanitaire. Plusieurs processus pour leurs recrutements (test écrits, entretiens) sont menés entièrement en anglais. Il est donc nécessaire d’avoir un niveau satisfaisant en anglais pour pouvoir accéder à ces postes. Je connais des personnes qui ont raté des opportunités de postes à l’international à cause de l’anglais. C’est là que vous comprendrez que certains ont eu tort de négliger cette langue au collège ou au lycée 🙂 Mettez-vous simplement à l’anglais si vous envisagez une carrière internationale.


Difficultés des conditions de vie

Le travail dans l’humanitaire offre beaucoup d’autres avantages : travail dans un environnement multiculturel avec des personnes de différentes nationalités, élargissement de son réseau professionnel et personnel, gain en compétences aussi bien grâce à l’expérience qu’aux nombreuses formations, expérience internationale à capitaliser, ouverture d’esprit, adaptabilité, esprit d’équipe…

Cependant il faut savoir que les conditions de vie ne sont pas des plus faciles. Rappelez-vous, j’ai dit plus haut que l’humanitaire intervient dans des zones de conflits et de catastrophes naturelles donc vous pouvez imaginer les conditions de vie difficiles et précaires de ces zones. La plupart des postes expatriés en humanitaires sont non accompagnés c’est-à-dire que vous ne pouvez pas y vivre avec votre famille donc vous vivez seul ; vous côtoyez quotidiennement le danger dû aux risques d’attaque de groupes armés,  d’enlèvement; vous vivez dans des endroits extrêmement difficiles où vous serez parfois incapables de trouver des vivres pour votre cuisine quand bien-même vous avez de l’argent pour en acheter ; vous êtes sous des restrictions sécuritaires drastiques et contraignantes (interdiction d’avoir des visiteurs chez soi, de sortir au-delà d’une certaine heure, de fréquenter certains endroits, de participer à certaines activités…) ; vous côtoyez les difficultés des autres (extrême pauvreté, famine, maladies…). Toutes ces situations font qu’il existe un stress permanent qu’il faut savoir gérer.

Il faut également mentionner ‘’l’insécurité de l’emploi’’ dans l’humanitaire. D’abord, la quasi-totalité des organisations humanitaires offrent des contrats à durée déterminée allant de six mois à un an dont le renouvellement est « soumis à la disponibilité de fonds ». Autrement dit, si les bailleurs n’ont pas renouvelé leurs subventions au projet sur lequel vous travaillez alors vous perdrez votre emploi au terme de la période. Ensuite, la dégradation de la situation dans certaines zones d’intervention peut conduire l’organisation à mettre fin à ses activités dans la zone et à plier bagage ; ce qui entraine de facto la fin des contrats des employés même s’il y a des mesures d’indemnisation dans ce cas.

La précarité de l’emploi est une réalité dans l’humanitaire alors ceux qui sont friands de contrats à durée indéterminé parce qu’ils garantiraient une sécurité de l’emploi, ceux qui craignent de prendre des risques sur le plan professionnel, auront du mal à évoluer dans ce domaine.


Conclusion

L’humanitaire est un engagement et il faut vraiment le prendre et surtout le comprendre avant de pouvoir s’y lancer. Je l’avais déjà dit ici, faire carrière dans un tel secteur donne du sens à son travail car grâce à votre travail, vous contribuez à alléger la souffrance d’autres êtres humains.

J’encourage vivement ceux qui ont le sens de l’humanité, qui sont empathiques et sensibles aux souffrances et difficultés des autres, à franchir le pas car c’est édifiant et gratifiant en tout point de vue.

Des critiques sont formulées contre l’humanitaire, qui n’apporterait pas de solutions pérennes aux différentes crises dans le monde surtout en Afrique et qui entretiendrait même ces crises pour en tirer profit j’avoue que je ne sais lequel. Au-delà de ces nombreuses critiques, je peux affirmer, de ce que j’ai touché du doigt, que, même si grâce à une organisation humanitaire, un seul enfant s’endort rassasier; organisation sans laquelle il dormirait le ventre vide, c’est déjà une lueur d’espoir apportée dans ce monde.

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